Les professionnels de la poissonnerie voient enfin le bout du tunnel : “Nous avons perdu les deux tiers de nos établissements, suite à l’avènement de la grande distribution, déplore Pierre Jessel, président de la Confédération des poissonniers de France. Mais depuis une dizaine d’années, la profession reprend des parts de marché au point d’afficher aujourd’hui un solde positif de 3 %.” Une inversion de tendance qui s’explique notamment par la prise de conscience des professionnels de l’évolution des attentes du consommateur.
Pour Pascal Bellocq, poissonnier à Toulouse, le poisson n’a plus la même image auprès du consommateur : “C’était une alternative économiquement intéressante à la viande, le produit noble et cher jusque dans les années 80, analyse-t-il. Avec la raréfaction des ressources, on est passé d’un produit populaire bas de gamme à un produit élitiste. En outre, son image est extrêmement positive en terme d’alimentation. Il s’inscrit dans une logique diététique qui nous est favorable : les gens ont la conviction qu’ils se porteront mieux en mangeant du poisson ”.
L’approvisionnement est très spécifique et ô combien fondamental : “Les achats représentent 70 % de la réussite, observe Bruno Gauvain, formateur au CFA du marché international de Rungis. Il ne faut pas perdre de vue que c’est un produit qui se périme très vite”. A la fédération, on considère que deux gros arrivages par semaine sont suffisants. L’important, c’est de limiter les pertes. Là où ça se complique, c’est qu’il faut proposer un large éventail de produits au risque de voir la clientèle se lasser.
Le poisson n’a, en revanche, que peu profité des crises alimentaires ayant touché les filières animales : “Le consommateur est devenu plus méfiant, exigeant et s’est donc tourné vers le traditionnel”, indique-t-il. Mais si la consommation de poissons est restée relativement stable depuis les années 70, les habitudes des chalands ont toutefois évolué : “La majorité des poissonniers ont adjoint un rayon traiteur et même un laboratoire à leurs boutiques, signale-t-il. Il arrive que de belles poissonneries réalisent jusqu’à 40 ou 45 % de leur chiffre d’affaires en traiteur”.
Les raisons ? Le poisson est perçu comme un produit difficile à cuisiner : “Beaucoup de personnes n’en achètent pas car elles ne savent pas le préparer, confirme-t-il. Sans compter qu’elles sont gênées par les odeurs”. Aussi, nombreux sont ceux qui se tournent vers les restaurants spécialisés qui marchent très bien. Enlever les arêtes, confectionner des terrines, des soupes font désormais partie du quotidien du poissonnier : “C’est une manière de tenir sa clientèle, ajoute Pierre Jessel. Cela permet également de limiter les pertes, car en le cuisinant on peut garder le poisson plus longtemps en stock”.