Acte notarié ou acte sous seing privé ?

L’acte de cession d’un fonds de commerce doit respecter des règles de fond et de forme pour ne pas encourir les risques de nullité ou de contentieux entre les parties. Sa valeur repose sur plusieurs éléments : les éléments corporels, tels le matériel et les marchandises ; les éléments incorporels comme la clientèle indispensable à la qualification de fonds de commerce, le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, les licences d’exploitation et droits de propriété intellectuelle éventuels.
Il est donc impératif que les parties procèdent à un inventaire des éléments corporels et incorporels attachés au fonds car toute imprécision conduira, en cas de désaccord des parties, un juge à apprécier librement ses éléments et modifier en conséquence l’inventaire.

Feront d’office partie intégrante de la cession tous les éléments indispensables à l’existence de la clientèle et même si le contrat de cession ne le précise pas, certains éléments, tels contrats d’assurance et de travail en cours, seront automatiquement cédés. D’autres éléments, a priori exclus du fonds, peuvent à l’inverse l’intégrer par accord des parties ; ce peut être le cas d’immeubles, de contrats en cours avec des distributeurs ou fournisseurs, voire d’actions en justice liées à la clientèle transmise ou de  créances et dettes.

Il est dans tous les cas déconseillé de signer une telle cession sur un coin de table et d’accepter un versement de prix, de la main à la main. Formaliser la transaction par acte authentique devant notaire, éventuellement désigné séquestre du prix momentanément indisponible, le temps d’accomplir les formalités – 5 mois et demi environ – permettra de sécuriser l’ensemble du processus.

 
A savoir : le droit de terrasse d'un restaurant ou d'un débit de boissons est hors du fonds de commerce Etant accordé  à titre personnel, le nouvel acquéreur du fonds devra solliciter une nouvelle autorisation.

Sécuriser la cession

L’acquéreur doit anticiper un certain nombre de questions pour s’assurer de la pérennité du commerce, à commencer par le bail commercial, élément central de la négociation : est-il régulier, sans erreurs ni omissions, et permet-il d’y exercer l’activité envisagée avec ou sans dépôt de garantie ? Quand sera-t-il révisé et à quelles conditions sera-t-il renouvelé ? Quid enfin des projets d’aménagement urbains pouvant modifier la commercialité des lieux et de la liste exhaustive des contrats de travail si le bail oblige le repreneur à tous les maintenir ? Les parties doivent aussi vérifier si le régime matrimonial du cédant contraint celui-ci, pour percevoir les capitaux issus de la cession, à recevoir l’accord de son époux si le fonds est affecté à la communauté. S’assurer en amont  du  sort de la succession de parents actionnaires, avant leur décès, dans le capital de la société constituée à part égale avec le cédant est également conseillé.

Il convient enfin d’anticiper les délais de mise en oeuvre de règles juridiques et fiscales impératives destinées à protéger le vendeur et ses créanciers – fournisseurs, membres du personnel, organismes de sécurité sociale ou trésor public – ainsi que l'acquéreur et son banquier, tant à  la promesse de vente, fondamentale, qu’à la vente proprement dite du fonds.

Le compromis de vente dite promesse de vente  – Pour contrer le risque de non réalisation d’évènements pourtant déterminants de la vente, tel l’octroi à l’acquéreur d’un prêt bancaire, il est d’usage de faire précéder la cession d’une promesse qui formalise les engagements réciproques : le cédant s’engage à céder le fonds et le cessionnaire s’oblige à l’acquérir, partant d’un consentement éclairé et donc non vicié par dol, erreur ou violences sur l’objet – le fonds et ses éléments constitutifs -, le prix et les conditions suspensives devant se voir réalisées pour que la vente devienne parfaite, sans interprétations ni contestations possibles. La promesse exposant dans le détail tous ces éléments pourra inclure une clause de dédit pour prévenir la défaillance de l’une des parties s’obligeant à verser un pourcentage du prix de la vente – de l’ordre de 10% en général – à titre d’indemnité.

L’acte de cession Il devra mentionner un certain nombre d’informations sur le fonds dont certaines sont d’ordre public (article L. 141-1 code de commerce) et donc incontournables, sous peine d’annulation de la vente sur demande de l’acheteur. Sont d’ordre public : le prix de cession ; l’historisation des anciens propriétaires – précisant nature et conditions de l’acte ainsi que le prix d’acquisition des éléments incorporels, matériel et marchandises – ; l’état des privilèges et nantissements ; le chiffre d’affaires et résultats d’exploitation des 3 derniers exercices, sinon depuis le début de l’exploitation – ; des éléments du bail en termes de date, de durée et d’identification du bailleur et du cédant. Cet acte de cession garantit encore l’acquéreur de l’absence de vices cachés – sauf clause expresse de non garantie des vices cachés cependant inopposable au vendeur dont la mauvaise foi est établie -, comme des risques d’éviction de tiers.

Quand le vendeur paie-t-il le prix et prend-il possession du fonds ?


Tout dépend des diligences post-cession, à commencer par l’enregistrement de celle-ci  auprès de l’Administration fiscale du lieu de situation du fonds, à la charge de l’acquéreur. Dans le cadre d’un acte sous seing privé, il se fera dans le mois suivant signature, délai supprimé par la Loi dite Macron si l’acte de cession est authentique, l’enregistrement par professionnel étant vu comme une garantie. Les droits d’enregistrement sont en principe au frais de l’acquéreur, sauf clause contraire de partage ou de mise à la charge du cédant dans l’acte de cession.
La cession doit alors faire l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales, à l’initiative de l’acquéreur, avec extrait ou avis au BODACC, dans les 15 jours de la conclusion de l’acte. S’ouvre dès lors au profit des créanciers du cédant le droit de s’opposer au règlement de la cession durant 10 jours ; à défaut d’opposition et de désintéressement de l’administration fiscale et des organismes sociaux, l’acquéreur pourra directement payer le prix de la cession directement au vendeur. Mais l’absence opposition ne lui permettra  pas de le faire en s’estimant libéré à l’égard des créanciers s’il a manqué à ses obligations de publicité dans les délais requis.

 
Retenue du versement du prix trois à cinq mois et demi, le temps d’accomplir les formalités et de répondre à d’éventuels créanciers  – D’où la précaution de désigner un séquestre, chargé de conserver le versement : le plus souvent, le mandataire de l’acquéreur supportant les frais de la désignation. Ce peut être le notaire dont les honoraires, pour conseiller et rédiger l’acte authentique, sont librement fixés.

Le cédant qui aura clôturé les comptes, déclarations fiscales à l’appui, demandera dans les 30 jours suivant signature, au greffe du tribunal de commerce, la publication de la cession du fonds au BODACC avec enregistrement de l’acte de vente. Il devra alors déclarer fiscalement dans les 60 jours, suivant le délai de 15 jours de publication au journal d’annonces légales, cette cession avec le bénéfice réel du fonds au jour de la cession, compte de résultat abrégé à la clé.
 
A savoir L'acquéreur, reste trois mois solidaire avec le vendeur du paiement des impôts directs dus sur les bénéfices réalisés l'année de la cession ou la précédente en cas de non déclaration, à hauteur du prix de vente du fonds de commerce.

                                                     Mis à jour par l’agence éditoriale Sub Verbo le 11 octobre 2017