Au premier rang des métiers de bouche, la boulangerie-pâtisserie compte parmi les commerces de détail de proximité les plus fréquentés. C’est un marqueur essentiel de la dynamique d’un quartier ou village pour peu que son activité, moins tributaire de la densité d’implantation que de la qualité des produits et de la relation clients, repose sur une stratégie de développement calée entre art du métier bien fait et investissements innovants.
Au-delà des disparités de situations entre villes et campagnes,
il n’y a pas de « superbe affaire » : la clé de la réussite consiste à ne pas faire le jeu des industriels et chaînes – non concurrents mais source d’émulation – en tirant les prix par le bas, au détriment du travail et de la qualité. Mais à valoriser son métier d’artisan et à investir dans de nouvelles technologies d’équipement de laboratoire.
Tendance : l’artisan doit rester au coeur de la qualité. Fournissant chaque année plus de 6 milliards de baguettes à 12 millions de consommateurs, le secteur réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 11 milliards d’euros TTC pour un chiffre d’affaires moyen de 273.000 euros HT par entreprise … une pour 1.800 habitants.
Le pain, depuis la Libération, a évolué de produit de première nécessité à produit-plaisir et l’institution en 1993 de l’appellation « pain de tradition française » a placé la qualité au premier plan pour des consommateurs, toujours plus exigeants. Exigence moins pour le plaisir des yeux que pour celui des papilles pour la majeure partie de la clientèle des quartiers de Paris, comme des villes et villages de France.
Mais la stabilité du prix du pain – produit d’appel en principe – conduit les artisans à trouver leur marge sur d’autres activités – viennoiserie, sandwicherie, restauration rapide du déjeuner – et obtenir les deux certificats d’aptitude professionnelle (CAP), boulanger et pâtissier – contribue à porter plus sûrement le chiffre d’affaires dont la pâtisserie fraîche peut représenter un fort pourcentage.
Réglementations en vigueur et conditions d’exploitation – Du fait de l’industrialisation du secteur, sa réglementation a évolué en 1998 à l’initiative de la profession, du moins sur le segment boulangerie, pour éviter de tromper le consommateur par concurrence déloyale.
Ainsi, selon le Code de la consommation, s’expose à une amende de 37.5000 euros au moins, et/ou à un emprisonnement de 2 ans au plus, toute personne qui, sous appellation de boulanger, commercialise du pain qui n’a pas été fabriqué sur place ou a été désurgelé ou décongelé. L’artisan doit donc, selon la réglementation,
« assumer lui-même la fabrication du pain à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme, ainsi que la cuisson sur le lieu de vente au consommateur final ».
Les conditions précitées restent néanmoins inapplicables aux viennoiseries, segment sur lequel se réalisent le plus gros des marges que les industriels ne veulent pas perdre. Lorsque le prix de certaines matières premières comme le beurre augmente, certains artisans compensent par une diversification sur de nouveaux segments ou tentent de répercuter cette hausse sur le prix final au consommateur. «
La pratique du yoyo ne saurait pour autant être tenable au regard de la fidélisation de la clientèle » précise Denis Hecht, boulanger-pâtissier à Paris (Maison Hecht), et qui
préfère se donner six à huit mois pour faire évoluer les prix
.
Equipements et immobilisations du laboratoire au démarrage – Hors surface de vente moyenne, équipement et agencements du magasin, le business plan doit être réfléchi en rendant sa fonction de produit d’appel au pain et sans partir tous azimuts. Comptez pour le four, les équipements du laboratoire boulangerie et du laboratoire pâtisserie, une enveloppe de 150.000 euros pouvant descendre à 128.000 euros si l'on a su bien négocier avec les fournisseurs.
Eléments d’évaluation partant du prix du fonds de commerce pour un ratio 50/120% du chiffre d’affaires annuel TTC – Le prix moyen d’un fonds de commerce équivaut à près d’un an de chiffre d’affaires ; en 2015, le CA moyen d’un boulanger-pâtissier est de 255 000 euros, la marge brute représentant 54 % de celui-ci, selon la FCGA (Fédération des centres de gestion agréés).
L’emplacement mais aussi l’état et la modernité du matériel de fabrication, ainsi que les activités développées devront également entrer en ligne de compte.
A savoir : La fermeture en week-end facilite la cession, certains acquéreurs visant un confort de vie ; la réouverture au moins en samedi sera un facteur d’attractivité supplémentaire pour le repreneur.
En savoir plus sur un complément de rémunération : lauréat du prix du Président de la République au Concours Lépine 2014, le « Pani Vending » est un dispositif de cuisson et de vente de pain chaud :
https://www.panivending.com/a-propos
Le sens de la valorisation par Denis Hecht, boulanger-pâtissier à Paris – « Valoriser, ce n’est pas vouloir gagner plus mais travailler mieux en produisant non pas tant ce que voudraient les clients mais ce que l’artisan sait fabriquer en optimisant son savoir-faire ».
Lauréat d’un concours, cet artisan réalise ses produits exclusivement à partir de farines Bio – hors baguette blanche – pour prévenir les effets indésirables des pesticides sur la santé. Proposant ainsi près de huit variétés de pains – aux céréales, intégral, campagne, épeautre, noix-raisin, complet au lin et Sarrazin -, il ne va pas voir ce que fait le voisin. Denis Hecht, qui aura investi plus d’un million d’euros en dix ans dans son laboratoire de fabrication, n’a pas lésiné, dès le départ, sur un équipement complet qui favorise une activité à « flux détendu » : « parce que les meilleurs fonctionnalités retentissent les premières sur la qualité, le bien-être des équipes et, donc, sur la satisfaction du consommateur final, nous nous sommes attachés à optimiser les espaces de travail en favorisant les mouvements circulaires.
Pour recruter ses équipes, il tend à favoriser les Compagnons du devoir, sélectifs et désormais ouverts aux filles, sur l’apprentissage : « outre le fait que le contenu de la formation d’apprentis est trop éloigné de la réalité d’un atelier d’artisan et des nouvelles technologies, la prime d’apprentissage ne vaut, en l’état actuel de la réglementation, que pour un apprenti sur cinq, en fin d’année et à condition que l’apprenti n’ait pas été absent en cours ».
Les équipes de Denis Hecht bénéficient également de matériel high-tech en laboratoire, de la chambre de pousse au laminoir de pâte en passant par le pasto crème, qui permet de cuire tout en pasteurisant le produit.
Pour rester au top de la modernité, Denis n’hésite pas à investir du temps dans les salons, véritables show-room de l’innovation du secteur en France, en Italie ou en Allemagne. Fort de ces atouts, il ne considère pas les chaînes et industriels comme des concurrents mais comme une saine émulation : « je m’inspire de la logique des grands en me fixant toujours deux priorités : viser la fidélité de la clientèle et travailler sur la qualité ».
Adresses utiles :
Agence Sub Verbo, le 2 octobre 2017