L’univers des services de paiement évolue avec la réglementation européenne. Jean-Yves Rossi, président de Canton Consulting, cabinet de conseil spécialisé dans ce domaine, décrypte quelles sont les implications pour les commerçants et comment ceux-ci doivent réagir.
Comment a évolué l’univers des services de paiement ces dernières années ?
Depuis 10 ans, avec les Directives sur les services de paiement (DSP), la Commission européenne favorise l’innovation et la concurrence afin de faire baisser le coût des paiements pour les commerçants et consommateurs. Pourtant, le coût moyen des paiements qui représentait 0,8 % du PIB européen en 2006-2007, est monté à 1 % en 2012 et il continue à progresser … car la crise bancaire est passée par là. Elle pousse à la hausse le coût des services, avec des écarts selon les pays : ce coût descend dans les pays du Nord mais il augmente en France. De nouveaux acteurs (néobanques, fintechs…) se sont positionnés pour améliorer les paiements, les rendre moins chers …
Le paiement est au cœur du commerce
Quelles sont les conséquences pour les commerçants ?
Selon la réglementation européenne, tous les prestataires de paiement y compris les banques doivent transmettre aux commerçants une information claire sur le coût de chaque transaction et le détail des frais prélevés. Mais en pratique, dans beaucoup de pays dont la France, les marchands ne reçoivent pas ces informations qui permettraient de réagir à la dérive des coûts. Canton a donc mis au point un outil pour le faire : on récupère les données de la banque pour visualiser le coût des paiements par carte et déterminer les mesures qui peuvent limiter ces dérives et permettent de renégocier les tarifs effectivement appliqués.
En fait, l’industrie des paiements, néobanques comprises, veut favoriser l’essor de cartes « business », qui ne sont pas encadrées par la Commission européenne et peuvent donc éroder la marge des commerçants alors même que la réglementation était faite pour baisser les prix. C’est le résultat inverse qui se produit.
Dans ce contexte, que leur conseillez-vous ?
Les commerçants n’ont pas assez pris conscience que les paiements changent alors que le paiement est au cœur du commerce. C’est devenu un levier concurrentiel majeur.
D’autant que d’autres changements attendent les commerçants : à partir de la mi-septembre, une obligation d’authentification forte arrive pour les paiements par internet. Ce qui sera l’objet de notre prochaine rencontre "Paiement Innovation Commerce", le 26 septembre prochain.
Comme les paiements sur internet ne seront garantis que si la transaction a fait l’objet d’une authentification forte (empreinte digitale, reconnaissance faciale…), cela va renforcer le pouvoir des Gafa : le paiement par Smartphone va se développer (Apple Pay, Google Pay …), ce qui constitue une nouvelle menace pour le commerce traditionnel, sur ses marges, sa clientèle, ses fonds de commerce …
Aux États-Unis, Amazon est devenu un épicier qui livre à domicile. Les commerçants doivent s’intéresser à ces problématiques, à travers leurs fédérations professionnelles. Ils doivent aussi faire jouer la concurrence, explorer les pistes d’innovation et ne pas rester victimes de rentes de situation des acteurs traditionnels du paiement …