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Dominique Moreno

Dominique Moreno,
responsable du département droit public et économie à la CCIP

Responsable du département droit public et économie à la CCIP, Dominique Moreno craint que le décret d'application relatif à la loi sur la préemption sur les fonds de commerce et les baux commerciaux n'entraîne de nombreux contentieux entre les commerçants et les mairies.

Par Jean Couderc - le 25/02/08

Le décret d'application sur la préemption des fonds de commerce est-il satisfaisant ?
L'esprit de la loi, qui était de maintenir une diversité de l'offre commerciale dans nos villes, était louable. Reste que le décret a dû considérablement compléter la loi, ce qui ne la rend pas facile à appliquer. On se heurte, dans la mise en œuvre, à d'importants problèmes juridiques. Il est, certes, nécessaire que les communes aient des instruments pour maintenir cette diversité, mais il ne faut pas que les commerçants soient spoliés.

Le fonds doit être exploité pendant l'année de préemption au risque de perdre toute sa valeur.

Quelles sont vos craintes ?
Elles concernent essentiellement le prix de vente. Rappelons que chaque commerçant désireux de céder son fonds devra en informer préalablement la mairie, si celui-ci figure dans le périmètre de sauvegarde défini par la collectivité. Attention à ne pas vendre sans faire de déclaration, car la vente sera nulle.

Comment sera défini ce périmètre ?
La mairie est soumise à une exigence de motivation. Elle doit présenter un rapport qui analyse la situation du commerce et les menaces qui pèsent sur la diversité commerciale et artisanale. Le périmètre doit correspondre à des critères précis. Les chambres consulaires donneront un avis consultatif sur ledit rapport.

Pourquoi êtes-vous inquiète au sujet du prix de vente ?
Si les deux parties s'entendent sur le même tarif, il n'y aura pas de souci. En revanche, si la mairie ne consent pas à payer le prix demandé par le commerçant, le juge de l'expropriation est saisi et l'affaire passe devant le tribunal administratif. Il y a, ici, un vrai risque de préemption à la baisse.

Comment pourrait-on défendre les intérêts du cédant ?
L'ACFCI et le Conseil du commerce de France avaient proposé que le juge ne soit saisi que dans les cas où le tarif demandé par le commerçant était manifestement excessif par rapport au prix du marché. C'est tout de même le capital-retraite du cédant !

De quel recours dispose-t-il ?
Il peut attaquer la préemption, s'il estime qu'elle ne se justifie pas. Il fait appel, mais si celui-ci ne lui donne pas raison, il devra s'y plier, à moins qu'il ne décide de renoncer à son droit de mutation. Le décret ne règle pas, en outre, le problème de la succession, puisqu'il se contente de laisser à la municipalité une année pour trouver le bon candidat.

Comment va-t-elle s'y prendre pour trouver un successeur ?
Elle doit, tout d'abord, définir dans le cahier des charges quel type d'activité elle souhaite voir exercée. Mais il va bien falloir que le fonds soit exploité pendant cette durée d'un an, au risque qu'il perde toute sa valeur. Il existe la possibilité de faire signer des conventions précaires qui ne sont pas très attractives, d'autant que le titulaire ne sera pas prioritaire pour racheter le fonds.

Que se passera-t-il si la mairie ne trouve pas de candidat ?
Si à l'issue de l'année aucun candidat ne fait l'affaire, le cédant retrouvera son droit de priorité d'acquisition, c'est-à-dire qu'il pourra vendre à bon lui semble. Les mairies auront tout intérêt à se rapprocher des chambres consulaires pour se faire aider dans cette démarche.

On parle déjà d'une possibilité de contourner la loi. Qu'en est-il ?
Les sociétés ne sont effectivement pas concernées par ce décret. Attention toutefois aux qualifications frauduleuses et à la constitution très (trop) rapide d'une société dès que le périmètre sera voté. On ne sait pas encore avec exactitude ce que le juge fera. On attend la jurisprudence pour en savoir davantage sur sa fermeté. Le commerce étant un domaine très évolutif, subtil, il y aura des écueils juridiques et des contentieux.