La loi Pinel a été promulguée le 18 juin 2014. Bertrand de Lacger, avocat au cabinet Bruno Boccara Associés, fait le point sur ses premiers mois d'application.
Par Bertrand de Lacger,avocat à la Cour, cabinet Bruno Boccara Associés
Quelques mois après la promulgation le 18 juin 2014 de la loi n°2014-626 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, suivie d’un décret n°2014-1317 du 5 novembre 2014 sur les charges, on reviendra sur les mesures phares de ces textes pour vérifier, en dépit du faible recul dont nous disposons, si le vœu du législateur de rééquilibrer les rapports entre bailleurs et locataires - en maîtrisant les hausses de loyer, en améliorant la transparence et en facilitant l’implantation des commerces[1] - s’est ou non réalisé.
Au préalable, on rappellera que certaines mesures sont destinées à donner plus de souplesse aux locataires, notamment :
- la suppression des baux fermes de 6 ou 9 ans, le locataire retrouvant sa faculté de résilier le bail tous les 3 ans ou à des échéances plus courtes : ce qui est un atout même s’il y a des exceptions (pour les bureaux, les baux d’une durée de plus de 9 ans ou portant sur des locaux construits en vue d’une seule utilisation) et s’il était fréquent qu’un bailleur accepte un loyer plus faible contre un bail ferme, ce qui n’est plus envisageable, l’article L.145-4 du code de commerce étant d’ordre public,
-l’allongement de 2 à 3 ans de la durée du bail dérogatoire qui permet au locataire de lancer son activité sans être soumis au statut des baux commerciaux : alors qu’en pratique, il aura du mal à obtenir un concours bancaire sur une aussi faible durée et que le même résultat peut être atteint du fait de la faculté de résiliation triennale dont il dispose (hormis le préavis de 6 mois qu’il doit respecter),
-le droit du locataire de remettre en cause à tout moment, sans être tenu à une quelconque prescription, la validité de tout clause contraire au statut de baux commerciaux alors qu’avant la réforme, il était soumis à une prescription de 2 ans à compter de la conclusion du bail ; ce qui sans nul doute constitue une avancée.
Mais l’essentiel de cette réforme reste dans :
-le lissage de l’augmentation du loyer révisé ou de renouvellement en cas de déplafonnement par tranches de 10% par an du loyer acquitté au cours de l’année précédente : qui est certainement un avantage pour le locataire qui pourra donc étaler dans le temps une hausse de loyer sans compromettre son exploitation.
Toutefois, la notion d’ « année précédente » reste floue : est-ce l’année civile ou calendaire, l’année précédant la date du renouvellement ou la révision ou celle qui précède chaque tranche de 10 % ?
Par ailleurs, ce texte n’est pas d’ordre public de sorte qu’il pourrait être écarté par une clause contraire du moins en ce qui concerne le loyer de renouvellement.
-la suppression de l’indice du coût de la construction pour le calcul du loyer plafonné, lequel pourra toutefois continuer à être utilisé pour le jeu de la clause d’indexation,
-le droit de préemption dont bénéficie désormais le locataire en cas de vente des murs : mais qui n’est pas d’application générale et n’est pas d’ordre public de sorte qu’il peut être écarté par une clause contraire,
-la limitation des charges, impôts et taxes pouvant être imputés au locataire : ce qui représente un atout certain pour le locataire lequel n’échappera toutefois pas à la taxe foncière si le bail le prévoit, ainsi qu’aux travaux liés à la vétusté ou à la conformité ne rentrant pas dans les grosses réparations visées à l’article 606 du code civil, ce qui est un moindre mal. En outre, le locataire doit désormais être parfaitement éclairé sur les catégories de charges, impôts, taxes et redevances qu’il doit supporter de même que sur la clé de répartition, restant seulement à espérer que les bailleurs ne récupèreront pas en loyer ce qu’ils ont perdu en charges.
En définitive, le bilan est mitigé car si la loi Pinel apporte, sans conteste, une protection supplémentaire au locataire, elle risque sur certains aspects soit d’être contournée par le jeu de clauses contraires, soit d’être difficile à appliquer.