La boulangerie-pâtisserie demeure le commerce de proximité le plus prisé des Français, 2/3 des ménages y allant 4 fois par semaine en moyenne, selon une étude de l’Insee. Incontournable, il n’en a pas moins été bouleversé par les évolutions de la société : « Quand j’ai débuté dans les années 60, confie Jean-Pierre Crouzet, président de la Fédération nationale, le métier était entrain de changer. D’un produit d’alimentation de base, le pain devenait un produit de complémentarité avec l’arrivée d’un nouveau mode de distribution« .
L’apparition des terminaux de cuisson dans les années 80 a causé du tort, entraînant même la fermeture de quelques affaires. De cette crise, est né un décret, en 1993, définissant ce que doit être le « Pain français ». Il s’agissait de sortir de l’image du produit standardisé dans lequel le pain était tombé : « On avait abandonné la fermentation pour faciliter la production, détaille Jean-Pierre Crouzet. Le pain s’était mis au service de la mécanisation entre 1960 et 1990 au détriment de la qualité« .
L’appellation « Pain de tradition française » voit le jour en 1998 pour donner une vraie dynamique à un secteur qui tarde à accomplir sa mutation : « Très peu de boulangers ont investi durant cette période, l’adaptation à trouver étant complexe, précise-t-il. Progressivement, ils ont compris la nécessité de démontrer par leurs produits qu’ils étaient de bons professionnels« .
C’est en définitive toute la chaîne qui s’est remise en cause, des meuniers aux boulangers. « C’est la qualité qui nous sauve, témoigne Christian Dubois, installé à Sartrouville. Les gens n’hésitent pas à payer beaucoup plus cher pour avoir du pain fabriqué à l’ancienne« . Pour Philippe Conan, la boulangerie-artisanale a le vent en poupe : « La concurrence des terminaux de cuisson ne m’inquiète pas puisque nous ne présentons pas les mêmes produits. La baguette de tradition française se vend désormais beaucoup mieux que la baguette blanche. C’est un signe encourageant« .
En parallèle, la profession s’est aussi diversifiée : profitant de l’ évolution de la société qui amène de plus en plus de travailleurs à délaisser les cantines d’entreprise ou les restaurants traditionnels au profit des sandwichs vendus dans les boulangeries. Philippe Conan, basé dans un quartier très animé, vend, par exemple, plus de 200 sandwichs tous les midis : « Il y a une demande phénoménale au niveau du traiteur, témoigne-t-il. Les gens se tournent vers nous car ils veulent déjeuner rapidement et bien. C’est une chance pour nous que les gens fassent plus attention à ce qu’ils mangent. Mais il faut avouer que l’on a un gros avantage par rapport à la restauration traditionnelle avec la TVA à 5,5%« .